Droit de préemption sur les Aires d’Alimentation de Captages (AAC)
Sommaire
La loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, a créé un droit de préemption spécifique portant sur les Aires d’Alimentation des Captages (AAC) visant à préserver les ressources en eau destinées à la consommation humaine au profit des collectivités compétentes en eau potable peuvent agir sur la préservation de la ressource en eau.
Le nouvel article L.218-1 du Code de l’urbanisme dispose que :
"A la demande de la commune, du groupement de communes ou du syndicat mixte compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau en application de l'article L.2224-7 du code général des collectivités territoriales, l'autorité administrative de l'Etat peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption a pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement.
L'arrêté instaurant le droit de préemption précise la zone sur laquelle il s'applique".
Titulaires du droit de préemption
Dans un premier temps ouvert aux seuls communes et groupements de communes au sens strict, la loi n°2022-217 du 21 février 2022 (dite “Loi 3DS”) en a élargi le bénéfice aux syndicats mixtes compétents en matière de contribution à la préservation de la de la ressource en eau (art.L.218-3 du Code de l'urbanisme).
Les communes, groupements de communes et syndicats mixtes concernés sont ceux qui (conditions cumulatives) :
- Assurent tout ou partie du prélèvement ;
- ET contribuent à la gestion et à la préservation de la ressource.
Sur la seconde condition, l’article R.2224-5-2 du CGCT prévoit que la commune, l’EPCI ou le syndicat mixte doit formaliser par délibération l’exercice de cette compétence de « contribution à la gestion et à la préservation de la ressource ». En savoir plus sur la compétence « Contribution à la gestion et à la préservation de la ressource »
Lorsque tout ou partie du prélèvement en eau destinée à l’alimentation en eau potable est confié à une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière (art.L.2221-10 du CGCT), le titulaire du droit de préemption peut déléguer ce droit à la régie pour tout ou partie du territoire concerné par le droit de préemption (art.R.218-8 du Code de l'urbanisme).
Champ d’application
Ce droit permet de préempter des surfaces agricoles au sein d’un territoire délimité par arrêté préfectoral.
Ce territoire concerne en tout ou en partie les aires d’alimentation des captages d’eau destinée à la consommation humaine.
Si une parcelle est située à l'intérieur de plusieurs aires d'alimentation de captages d'eau potable relevant de communes, de groupements de communes ou de syndicats mixtes différents, l'ordre de priorité d'exercice des droits de préemption est établi en fonction des dates d'instauration de ces différents droits de préemption (art. R.218-7 du Code de l'urbanisme) - cf. infra).
Instauration du droit de préemption
Les collectivités compétentes pour solliciter le droit de préemption doivent procéder en plusieurs étapes (art. R. 218-2 du Code de l'urbanisme), après avoir pris la compétence facultative de protection de la ressource en eau (cf. supra).
Saisine du PréfeT
Il convient de saisir le Préfet de département pour solliciter l’instauration du droit de préemption.
Cette demande doit a minima être constituée :
- D’une délibération sollicitant l’instauration du droit de préemption ;
- Du plan du périmètre sur lequel la collectivité souhaite pouvoir exercer ce droit de préemption ;
- De l'étude hydrogéologique qui a permis de délimiter l'Aire d'Alimentation de Captages ;
- D’une note de présentation du territoire, des pratiques agricoles et des mesures de préservation déjà mises en place ainsi que leurs évaluations existantes ;
- D'un document argumenté pour justifier la demande et le choix du périmètre ;
- Des fichiers SIG relatifs aux Aires d'Alimentation des Captages.
NB : Si une demande concerne des parcelles situées sur plusieurs départements, c'est le préfet du département sur lequel se situe le point de prélèvement qui doit être saisi.
Si le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe et qui ne saurait excéder 6 mois. Ce délai est renouvelable une fois. A défaut de production des pièces demandées dans le délai imparti, la demande est rejetée (art.R.218-3 du Code de l'urbanisme).
PHASE DE CONSULTATION
Le Préfet engage une phase de consultation auprès de différent.e.s collectivités et organismes concerné.e.s par le périmètre :
- Communes ;
- EPCI compétents en matière de PLU,
- Chambres départementales et régionales d’agriculture,
- SAFER,
- CODERST,
- Commissions Locales de l'Eau,
- Autres personnes publiques bénéficiant de droits de préemption antérieurement instaurés sur les terrains concernés ;
- Si le périmètre proposé inclut des terrains situés à l'intérieur de plusieurs aires d'alimentation qui se superposent : les collectivités ayant en charge les services assurant les prélèvements d'eau correspondants.
Ces institutions disposent d'un délai de 45 jours à compter de la réception de la saisine pour répondre et émettre des avis par voie écrite. A défaut de réponse à l'expiration de ce délai, leur avis est considéré comme favorable.
DÉCISION DU PRÉFET
Le Préfet dispose d'un délai de 6 mois pour statuer sur la demande à compter de la réception du dossier complet.
En cas de dossier incomplet/irrégulier (cf. supra), ce délai est suspendu à compter de la réception par le demandeur de la demande de communication d'informations complémentaires. Il reprend le jour de la réception par le préfet de la totalité des pièces et informations demandées.
En l’absence de réponse dans de délai, la demande est rejetée.
Le Préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour instaurer ou non ce droit de préemption. Sa décision expresse de rejet doit cependant être motivée.
Le projet de décision est communiqué par le préfet au demandeur, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit.
Publicité DE L’ARRÊTE PRÉFECTORAL
L'arrêté préfectoral fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs du/des département(s) concerné(s). Mention en est insérée dans deux journaux publiés dans le ou les départements concernés (pas nécessairement des journaux d'annonces légaux).
Une copie de l'arrêté préfectoral et le plan précisant le périmètre du territoire concerné sont :
- Déposés et tenus à la disposition du public dans les mairies des communes concernées. Avis de ce dépôt est donné par affichage pendant une période d'au moins un mois à la mairie de ces communes ;
- Adressée aux autres personnes publiques et organismes consultés, aux chambres départementales des notaires, aux barreaux constitués près les tribunaux judiciaires dans le ressort desquels est délimité le périmètre du droit de préemption et au greffe des mêmes tribunaux.
Aliénations concernées
Le droit de préemption est limité aux :
''Aliénations mentionnées aux premier, deuxième, cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L.143-1 du code rural et de la pêche maritime [article relatif aux champ d'application du droit de préemption des SAFER]" (art.L.218-15 du code de l'urbanisme).
Seules les aliénations suivantes sont concernées par l'exercice de ce droit de préemption :
- Aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole (al.1 art.L.143-1 CRPM) ;
- Aliénation à titre onéreux de bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole (al.2 art.L.143-1 CRPM) ;
- Aliénation à titre onéreux des bâtiments situés dans une zone agricole protégée, à l'intérieur d'un périmètre délimité en application de l'article L.113-16 du code de l'urbanisme, dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme, dans les communes et parties de communes de montagne ET qui ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l'aliénation, pour leur rendre un usage agricole (al.2 art.L.143-1 CRPM) ;
- Aliénations à titre onéreux de terrains nus (i.e terrains ne supportant que des friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole) (al.5 art.L.143-1 CRPM) ;
- Aliénation à titre onéreux conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement découplés créés au titre de la PAC (al.6 art.L.143-1 CRPM) ;
- Aliénation à titre onéreux de l'usufruit ou de la nue-propriété des biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole (al.7 art.L.143-1 CRPM).
Par ailleurs, les exceptions au droit de préemption des articles L.143-4 et L. 143-6 du code rural et de la pêche maritime s’appliquent à ce droit de préemption et le limitent également (art.R.218-9 du code de l'urbanisme).
Exercice du droit de préemption
Lorsque le droit de préemption est accordé sur un territoire défini, en cas de vente, le titulaire du droit de préemption sera consulté par le notaire ou le propriétaire via une déclaration préalable d’aliéner adressée par lettre recommandée avec accusé de réception pour savoir s’il souhaite préempter.
Le titulaire du droit de préemption disposera d’un délai de deux mois pour répondre. A défaut de réponse dans ce délai, le titulaire est réputé renoncer à l’exercice du droit de préemption.
S’il souhaite acquérir le bien, il devra transmettre une copie de la déclaration d’intention d’aliéner au responsable départemental des services fiscaux.
Le titulaire du droit de préemption devra tenir un registre sur lequel seront inscrits les acquisitions réalisées par utilisation de ce droit de préemption. L'utilisation des biens qui en est faite devra aussi être précisée.
En cas de préemption partielle, si le vendeur n'accepte pas cette préemption partielle, il peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière. Le titulaire du droit de préemption peut alors (art.R.218-17 du code de l'urbanisme) :
- soit accepter cette acquisition aux prix et conditions d'aliénation,
- soit renoncer à préempter.
Biens acquis
Les biens acquis par la voie de ce droit de préemption sont intégrés dans le domaine privé de la commune, de l’EPCI ou du syndicat mixte.
Ces biens ne peuvent être utilisés qu’en vue d’une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau.
Ils peuvent être mis à bail.
Les baux nouveaux doivent comporter des clauses environnementales (art.L.411-27 CRPM) de manière à garantir la préservation de la ressource en eau.
Lorsque le bien acquis est déjà grevé d'un bail rural, le titulaire du droit de préemption est tenu de proposer au preneur la modification du bail afin d'y introduire ces clauses environnementales. Celles-ci sont introduites, au plus tard, lors du renouvellement du bail.
Les biens acquis peuvent être cédés de gré à gré à des personnes publiques ou privées, à la condition que l'acquéreur consente à la signature d'un contrat portant Obligations Réelles Environnementales (« ORE ») (art.L.132-3 du code de l'environnement). Ce contrat doit prévoir, au minimum, les mesures garantissant la préservation de la ressource en eau. Il est conclu, pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans maximum, entre l'acquéreur et le titulaire du droit de préemption et doit être annexé à l'acte de vente.
Pour le céder ou le louer, la collectivité devra procéder à un appel à candidatures et les cahiers des charges annexés aux actes de vente, de location, de concession temporaire ainsi qu’aux conventions de mise à disposition devront comporter les clauses types fixées par arrêté conjoint des ministres en charge de l’environnement et de l’agriculture.
Priorisation des droits de préemption
Ce nouveau droit de préemption primera sur celui des SAFER et sur le droit de préemption privé de l’exploitant en place (depuis plus de 3 ans).
Cependant, s’il y a un exploitant en place le bail restera valable même en cas de changement de propriétaire.
Les autres droits de préemption prévus aux articles L.211-1 (droit de préemption urbain), L.212-2 (zones d’aménagement différé et périmètres provisoires), L.215-1 et L.215-2 du Code de l’urbanisme (espaces naturels sensibles), primeront sur ce nouveau droit de préemption.
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