Passage de canalisations publiques en terrain privé
Sommaire
Lors de la réalisation des réseaux d’eau et d’assainissement dans les années 60, le passage de canalisations souterraines publiques en terrains privés a rarement fait l'objet d’établissement de servitudes de passage en bonne et due forme.
Le plus souvent l’accord entre la collectivité et le propriétaire du terrain était oral.
Cette situation pose aujourd'hui des difficultés aux collectivités responsables des services publics de l’eau et de l’assainissement pour la gestion, l'entretien et le renouvellement de ces canalisations, voire même pour leur maintien en place.
La régularité de toute occupation publique sur un terrain privé est subordonnée à l'intervention préalable d'un acte juridique légalement accompli prévoyant ou permettant cette emprise.
Dans un arrêt du 29 septembre 2009, la Cour Administrative d’Appel de Nantes a rappelé les seules conditions dans lesquelles la pose de canalisations publiques en terrain privé est possible :
"soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions de la loi du 4 août 1962 et du décret du 15 février 1964, ultérieurement codifiées aux articles L.152-1, L.152-2 et R.152-1 à R.152-15 du code rural [et de la pêche maritime], soit l'intervention d'un accord amiable avec le propriétaire intéressé, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique » (CAA Nantes, 29 septembre 2009, n°08NT03168).
Voir également CAA Marseille, 16 mai 2019, n°18MA00530 :
"La communauté d'agglomération ... ne justifie de l'accomplissement d'aucune procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, ni de l'institution d'une servitude . Si elle soutient que les propriétaires initiaux de la parcelle, acquise par la suite par les actuels propriétaires, avaient autorisé la pose des canalisations litigieuses, elle n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette allégation. La présence des requérants lors des travaux de déplacement des canalisations réalisés [par la communauté d'agglomération] ne saurait valoir accord de leur part quant à l'implantation précise de l'ouvrage public. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération ne justifiant d'aucun titre autorisant l'enfouissement des canalisations du réseau d'assainissement collectif dans le sous-sol des parcelles, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'implantation de l'ouvrage public était constitutive d'une emprise irrégulière".
Voir également CAA Marseille, 28 juin 2018, n°17MA03077 ("la commune ne justifiant d'aucun titre autorisant l'enfouissement de la canalisation d'eau potable dans le sous-sol de la parcelle c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'implantation de l'ouvrage public était constitutive d'une emprise irrégulière").
Sans titre, la servitude n’existe donc pas et la collectivité responsable du service public d’eau ou d’assainissement ne dispose d’aucun droit réel sur le terrain privé.
Il convient donc de régulariser la situation :
- Soit en créant le titre nécessaire à la création des droits de la collectivité sur les terrains assiettes des canalisations ;
- Soit en tirant les conséquences de l’absence de titre.
Le « titre », élément indispensable à la création des droits de la collectivité
Du fait de l’inapplicabilité de la prescription acquisitive aux canalisations souterraines d’eau, un titre est nécessaire à la régularité de l’occupation du terrain par les ouvrages publics.
Le titre peut être :
- Soit une servitude conventionnelle ;
- Soit une servitude administrative ;
- Soit une acquisition du terrain (par voie amiable ou par voie d’expropriation).
L’exigence d’un « titre » ou l’inapplicabilité de la prescription acquisitive
Pour pouvoir être établie par prescription acquisitive trentenaire (exercice de fait de la servitude pendant 30 ans) les servitudes doivent nécessairement présenter deux caractères cumulatifs : être continues et apparentes (art. 686 à 689 du Code Civil).
Aucune servitude discontinue ne peut donc être acquise par prescription, quel que soit son caractère (apparent ou non) et la durée de son exercice. De même, aucune servitude non apparente ne peut être acquise par prescription.
Une servitude est "discontinue" ou "continue" en fonction de la nécessité ou non d’une intervention de l’homme pour qu’elle s’exerce.
Une servitude d'égout d'eaux usées, dont l'exercice exige le fait de l'homme et ne peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription (Cass., Civ., 3è, 29 avril 2002, n°00-15629; Cass., Civ., 3è, 17 juin 2021 n°20-19.968).
En revanche, la servitude d'écoulement des eaux pluviales a un caractère continu. L'intervention humaine dans une servitude d'écoulement des eaux ne la transforme pas en servitude discontinue même si un dispositif est effectivement aménagé à cet effet comme la fermeture d'une vanne, d'une écluse, d'une bonde, etc.
Une servitude est "apparente" ou "non apparente" lorsque les ouvrages utilisés pour l'exercice de la servitude sont extérieurs.
Si une canalisation d’acheminement de l’eau (dite « servitude d’aqueduc ») est entièrement souterraine, il s'agit d'un ouvrage non-apparent (Cass., Civ.,...
Veuillez vous identifier pour consulter la totalité de l'article.
Vous n’avez pas de compte Premium ?
Abonnez-vous pour seulement 131€ HT par an !